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#EGALIM, Séparation de la vente et du conseil des produits phytosanitaires : Quelle lueur à l’aube d



Alors que l’été aura été animé par l’épisode du glyphosate, le projet de loi va être représenté dès la rentrée de septembre, inaperçu au milieu de nombreux autres chantiers au combien plus médiatiques, comme la réforme des retraites. Et pourtant …


Rappel : le contenu du projet

Le projet de loi #Egalim, composé de 18 articles, traite de nombreux points :


1. Dispositions tendant à l’amélioration de l’équilibre des relations commerciales en agro-alimentaire (Art 1 à 10)

2. Accès à une alimentation saine (Art 11 à 13)

3. Renforcement des exigences pour une alimentation durable accessible à tous (Art 14-16)

Le métier de l’agrofourniture et de l’agrodistribution est concerné par 3 articles :

Article 15 : séparation de la vente et du conseil des produits PPP sans lien capitalistique

Article 14 : Fin des 3 R : arrêt des remises, ristournes et rabais sur les PPP

Article 8 : Conditions de départ des associés coopérateurs

Le processus réglementaire

Adopté par l’assemblée nationale le 30 mai, le projet de loi a été retoqué le 25 juin par les sénateurs avec notamment la suppression des articles 8 et 14. L’article 15 n’est que modifié, puisque le sénat accepte la proposition de séparation de la vente et du conseil mais rejette l’obligation de non lien capitalistique.

Suite au désaccord entre les 2 assemblées, une commission paritaire composée de 7 sénateurs et 7 députés s’est réunie le 10 juillet pour trouver un compromis, avec 2 visions totalement opposées, illustrant un dialogue impossible et menant à un échec sans surprise. Le processus réglementaire implique donc que les 2 assemblées retravaillent chacun de leur côté une proposition. Néanmoins, seule l’assemblée nationale, unique instance élue au suffrage universel, sera en capacité de prendre décision. Le 17 juillet, après 2 jours de débat, la commission aux affaires économiques de l’assemblée, a édité un projet de texte de loi, reprenant l’intégralité du texte initial du 30 mai. Celui-ci sera de nouveau en discussion à l’assemblée début septembre pour vote en suivant.


Comprendre les motivations du gouvernement aujourd’hui

Les débats à l’assemblée, au sénat, les explications du Ministre Stéphane Travert, les commentaires du Ministre Nicolas Hulot ne font qu’étayer la position du président Macron lors de son discours à Rungis en octobre 2017 :

Des réorganisations profondes pour

  • aller vers plus de production bio ou d’agroécologie,

  • réduire la dépendance aux intrants chimiques.

S’appuyer sur

  • les organisations de producteurs,

  • le principe de Small is beautiful, c’est-à-dire de petites structures, légères, agiles plutôt que de grands groupes agro-alimentaires, qu’ils soient coopératifs ou individuels, dont les intérêts pourraient s’éloigner de ceux des agriculteurs.

Comment le gouvernement pourrait-il infléchir sa position, surtout après cette dernière réunion du 25 juillet entre les 4 ministères de l’agriculture, de la transition écologique, de la recherche et de la santé qui tiraient un bilan plus que mitigé d’Ecophyto et des CEPP ? Que l’on cautionne ou non les études présentées, illustrant une augmentation de l’utilisation au recours des produits phytosanitaires, la position du gouvernement et son enjeu de réduction drastique des Phytos ne se trouvent que renforcés, en réponse à la « demande sociétale » et la pression médiatique. Pour preuve, il va notamment être question de protéger les zones de captage d’eau ainsi que les zones accueillant des personnes sensibles, comme les écoles ou les EHPADs.

L’agriculture doit rester production de valeurs mais dans le respect de l’environnement, de la santé et doit faire appel de nouvelles technologies.

Comprendre l’articulation de la loi et sa mise en œuvre

Seul ce qui n’est pas clarifié dans la loi pourrait faire l’objet de négociation dans le cadre de la rédaction des ordonnances.

Ainsi, l’article 14, avec la suppression des 3 R (remises, ristournes, rabais), serait, sans nul doute adopté en l’état en septembre, avec une entrée en vigueur dans le 3ème mois après la parution de loi fin 2018, pour ne pas dire demain à l’échelle du cycle agricole. Avec un prix de vente produit nu unique, à la vente comme à la revente, le différentiel de prix ne pourra se faire alors que sur les services (Logistiques, financiers, OAD) sur la base d’une facturation détaillée.

Sachant que le refus de vente est interdit en France, les fournisseurs seront obligés de vendre au même prix le produit nu à tout distributeur, du plus petit au plus grand. On peut alors s’attendre à l’arrivée de nouveaux intervenants, au développement de l’Ecommerce et une chute de la rentabilité de la vente des produits phytosanitaires pour l’agrodistribution, face à une concurrence exacerbée

Les distributeurs concernés de la même façon à la revente devront restructurer leurs offres, la tarification des services, et réviser leurs politiques commerciales, dès lors qu’elles sont basées sur des remises quantitatives. Les différences de prix ne pourront s’expliquer que par la valorisation des prestations logistiques, financières et la profondeur et la qualité du conseil.

Les mécontents de leurs négoces pourront librement se diriger vers d’autres structures. Pour les coopérateurs déçus, la modification de l’article 8 pourrait leur permettre de sortir plus aisément de leurs coopératives, sans perte et fracas.


Les points encore ouverts

L’alinéa 1 de l’article 15, suggérant la séparation de la vente et du conseil, ne serait pas remis en cause. Il ne sera applicable qu’après écriture des ordonnances, qui devront clarifier notamment 2 points :

  1. Le conseil et ses contours : La loi ne précise pas la nature du conseil. Alors que le conseil à l’utilisation (précautions d’usage …) est indissociable de la vente produit, pour autant, s’agit-il du « conseil de préconisation », tel le médecin ou d’un conseil d’accompagnement plus global ? Quelle serait alors la nature de la prescription (matières actives, spécialités commerciales)

  2. La séparation capitalistique : La loi ne précise pas le degré de séparation capitalistique : se limitera-t-elle à l’entreprise et ses filiales, offrant la possibilité de déléguer aux centrales d’achats la vente ou rendra-elle impossible toute collaboration entre des sociétés avec un actionnariat commun ?

Le groupe de travail réuni en juillet aurait dû apporter ses éclairages. Un autre échec, avec ajournement de la seconde session prévue en août. Rendez-vous est pris en septembre.

D’un point de vue du calendrier, le temps des discussions puis des ordonnances laisse à penser que cette séparation ne serait effective au plus tôt qu’à la fin du printemps 2019 mais pourrait aussi se décaler au début de l’hiver 2019.

Le gouvernement a ainsi clairement identifié et encadré le modèle économique de la protection phytosanitaire pour la distribution, avec un marché ouvert mais encadré et une obligation pour la distribution de réinventer un modèle économique moins phytos-dépendant. Contrairement à certaines idées reçues, les CEPP ne sont pas remis en cause et seront d’autant plus prégnants pour ceux qui choisiront de poursuivre la prescription. Quant à ceux qui partiraient sur la vente produits, la fonte des marges leur imposera une excellence logistique

Et dans l’attente que faire ?

La distribution gardera-t-elle un pouvoir de préconisation au champ, ou ne sera-t-elle cantonnée qu’au conseil à l’utilisation du produit, tel le pharmacien ?

Les fournisseurs ont anticipé et se projettent déjà dans une nouvelle ère, en ayant pour certains élargi leur périmètre (semences + phytos), ou déjà accéléré leur politique de service. Certains sont à pied d’œuvre pour repenser leur mise en marché.

La distribution est, quant à elle, un peu figée, certains étant encore dans le négationnisme ou dans l’espoir d’une abrogation. L’heure n’est plus à la contestation mais à la préparation :

  • A court terme,

Quels nouveaux principes d’une politique commerciale non proportionnelle au volume ?

Pourra-t-on ou faudra-t-il la borner aux produits phytosanitaires ?

Quelle est la réelle valeur de chacun des services apportés ?

Quelle matérialisation, quelle formalisation et quelle facturation de cette valeur ?

Un premier chantier de révision des offres, qui va bousculer le « back-office », point faible des organisations, et qui va remettre en question le sujet du portage de l’offre, de la capacité des équipes à vendre du conseil au dossier sensible des canaux de vente alternatifs (Ecommerce, télévente …)

  • A 6 mois, S’il fallait choisir entre La vente ou le conseil ?

Pour la vente,

Quelle est la réelle efficacité logistique et opérationnelle ?

Comment l’optimiser (fermeture de sites, de canaux …) ?

Quels liens / animations avec les prescripteurs ?

Pour le conseil,

Quelle valorisation ? Quelle facturation ? Quelle formalisation ?

La force de vente est-elle en capacité à vendre une prestation de conseil ?


  • Plus largement, face à ces changements,

Quel projet d’entreprise et quel modèle business ?

Comment compenser la perte de 30 à 50 % de la marge des produits phytosanitaires ?

Pour quels clients ? Avec quelles expertises réelles ?

Quelles créations de valeurs pour les clients ?

Quelles différenciations pour l’entreprise ?

Quels nouveaux moyens ?

Comment porter la transformation en interne ?

Même si la procrastination est le symbole de la nouvelle génération, rappelons-nous que l’avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt !

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